Quand j'étais enfant, en été, je courais dans les champs derrière notre maison et des nuées de papillons s'envolaient à mon passage: toute sorte de papillons, de couleur et de taille différentes. Parfois j'en attrapais un et je le laissais se promener sur ma main (je sens encore les chatouillis légers de ses fines pattes sur ma paume) ; puis je lui soufflais dessus et il s'envolait prestement, laissant derrière lui des petites traces de la poudre colorée qui recouvrait ses ailes.

A présent, soixante ans plus tard, je vois rarement quelques papillons quand je me promène. Je suis inquiète et triste : mes arrières petits-enfants connaîtront-ils les papillons ? J'ai peur que leur vie soit moins belle, hélas, sans l'envol coloré des jolis insectes ailés...

C'est cette nostalgie qui est au cœur du beau livre que je voudrais vous présenter : 
LE DERNIER DES SIENS, de Sibylle Grimbert (Éditions Anne Carrière, 2022)

Un jeune scientifique, Gus, a été missionné par le muséum d'histoire naturelle de Lille pour étudier la faune au nord de l'Europe. Lors d'une expédition en mer, il assiste au massacre par les marins qu'il accompagne d'une petite colonie de grands pingouins, réfugiés sur une île pour pondre leurs œufs. Presque par hasard, il parvient à repêcher un de ces malheureux oiseaux marins, blessé, alors qu'il nage désespérément vers le large. Il le ramène chez lui pour l'étudier et si possible le ramener vivant en France...

L'histoire se passe en 1835. Nous suivons la vie de Gus et l'évolution des relations entre l'oiseau prisonnier, qui peu à peu devient familier, et l'homme qui l'étudie, et qui, peu à peu, sans l'avoir voulu, s'attache à ce compagnon inattendu, si différent et pourtant si proche de lui.

Extrait, page 48 :
"L'animal cria à son entrée, se dandina vers lui le plus vite qu'il put, du moins ce fut l'impression qu'il donna à Gus. Son cri avait été bref, pareil à l'expression d'un soulagement, de la joie de ne pas avoir été oublié. Gus en fut saisi : être espéré, qu'un être plus inconnu de lui qu'un inconnu dans la rue lui manifestât d'une façon si naturelle, si universelle en un sens, de l'attention, de l'affection, même intéressée, l'émouvait. L'oiseau lui paru avoir des expressions humaines, un éclat dans l’œil qui signifiait "enfin je te vois", une avancée de son cou qui ajoutait "je m'ennuyais sans toi". Quand il frotta son bec rapidement contre la jambe de son pantalon, Gus en fut bouleversé."

C'est une histoire d'amitié profonde entre deux êtres que rien ne semblait rapprocher au départ, et à travers cette rencontre singulière, c'est une réflexion sur tout ce qui lie les êtres vivants, humains et animaux...

C'est aussi une histoire très triste car, sans le savoir, le jeune homme a sauvé le dernier spécimen de grand pingouin, à une époque où on n'imaginait pas que ces animaux, qui se raréfiaient, étaient en fait en train de disparaître complètement... Et même si finalement Gus, au péril de sa vie, s'embarque avec le pingouin pour lui permettre une vie libre, pour lui trouver une compagne, pour lui redonner un avenir, c'est trop tard, son destin est scellé.

ça résonne avec nos préoccupations actuelles, n'est-ce pas, mes chères lectrices et lecteurs ? Alors, si vous aimez la nature et les animaux, si vous vivez avec des animaux familiers, si vous pensez que les humains devraient faire preuve de respect et d'humilité vis-à-vis des autres êtres vivants sur la Terre, ouvrez ce livre et laissez-vous porter !

 

 

Je suis allée cette semaine rendre visite à mon amie C. et, autour d'un thé, nous avons évoqué l'histoire racontée dans ce livre, fiction, certes, mais qui repose sur des faits réels ; et elle a eu cette parole que je partage avec vous pour terminer mon article:

-Eh bien tu vois, je suis triste pour cet animal, le grand pingouin, dont pourtant je ne connaissais même pas l'existence avant que tu m'en parles...

Bonne lecture, mes amies et à la semaine prochaine !

Amitiés,

 

 

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